L’été passé, on est partis cinq jours en voilier avec Sophie, Julien et Maxime, nouvelle outdoor kid âgée de 9 mois. Parce que la maternité semble parfois difficilement rimer avec aventure, j’ai souhaité recueillir le témoignage de Sophie. Je voulais partager son expérience de jeune mère à bord avec un bébé. Dans cette chronique, elle raconte le doute de la conjugaison des passions et la nouvelle vie de parent.
Aventure et parentalité sont-elles compatibles ?
Avant ma grossesse, j’appréciais les plans spontanés, me surpasser lors de défis sportifs et j’adorais aussi… dormir! La grande majorité de mon cercle d’amis étant déjà parents, j’ai souvent entendu des phrases du type : “Profites-en, ça change avec des enfants« . Bien que désirée, la parentalité semblait engendrer beaucoup de frustrations dans mon entourage.
Je ne suis pas du genre à partir en sac-à-dos traverser l’Inde en passant par ses villages les plus ruraux (quoique j’admire la mère, s’il y en a une, qui l’a fait avec un bébé de moins d’un an). Mais je me suis souvent demandée “À quoi bon avoir des enfants si cela consiste en une si grande privation ?”.
Plutôt que de me cantonner à réduire mes ambitions une fois mère, ces commentaires ont alimenté chez moi une envie profonde de prouver que le contraire était possible. De toute façon, à mes yeux, avoir un enfant semblait déjà une aventure en soi. Et partir en expédition avec bébé (l’Inde ou le Lac Champlain en voilier, chacun son Everest) a toujours été la plus belle des aspirations selon moi. Je nous refusais d’y renoncer sous prétexte que ça n’allait pas être simple.
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Une grossesse toujours active
Une fois enceinte, je me suis mise à remplir religieusement un journal de grossesse, mois par mois, trimestre après trimestre. J’y inscrivais mes symptômes physiques, mes émotions et je planifiais l’arrivée tant attendue de bébé. La hâte est le sentiment qui m’a très vite habité. La hâte de faire sa connaissance. Celle d’entendre le timbre de sa voix. Et surtout, la hâte de vivre de nouvelles aventures avec elle et de la voir s’émerveiller face aux nouvelles expériences et sensations.
J’ai continué à vivre à fond mes aventures tout le long de ma grossesse. J’ai poussé mon corps, non pas pour en explorer les limites, mais pour le sentir et inclure Maxime le plus rapidement possible. Chaque fois que je partais courrir avec mon chien ou que je grimpais une montagne, je parlais à ma fille. “On court avec Polo maintenant!”. “Regarde, maman t’a amenée jusqu’au sommet de la montagne avec Papa. C’est beau ici”. Déjà, je partageais de précieux moments avec elle et j’avais bien l’intention de continuer en l’initiant dès que possible au merveilleux monde du plein air.
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Paré à larguer les amarres ?
Le voilier était loué depuis un moment déjà. Et bien que ultra-désireuse de partir à l’aventure avec mon enfant, plus les semaines passaient, plus je remettais en question cette folie de partir sur un bateau de 40 pieds, avec un bébé de 9 mois. D’autant plus qu’on s’en allait avec des amis qui n’ont pas d’enfant.
Pourquoi m’imposer et LEUR imposer ce potentiel inconfort ? Celui qui m’a convaincue, c’est mon amoureux, Julien. Il m’a fait me poser ces questions. « Et si c’était l’inverse ? ». « Même si ça ne se passe pas comme prévu, quelle serait la véritable conséquence ? ». Fallait-il annuler et ruiner les vacances de nos amis parfaitement consentants, partant en pleine connaissance de cause, et à l’excitation palpable ?
Je me suis mise à observer Maxime. Et lors de la première année d’un enfant, chaque semaine (voir chaque jour) amène sa nouveauté. C’est à la fois extraordinaire et terrorisant. On pense avoir trouvé la formule magique et tout d’un coup, plus rien ne fonctionne. Il adorait les bananes hier, aujourd’hui ce sont les bleuets. Alors, même si je m’épuisais à envisager toutes les situations possibles de ce premier séjour sur l’eau pour elle, la seule chose certaine était que rien n’allait se passer comme prévu.
Ironiquement, j’ai donc fini par comprendre que ce que ça prenait pour naviguer cinq jours en voilier avec un enfant de 9 mois, c’était beaucoup de préparation et un maximum de lâcher prise.
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Welcome aboard!
Dès ses 4 mois, nous avons accoutumée Maxime à différents environnements. Nous avons fait des road trips à droite, à gauche. Nous l’avons habituée à l’eau avec quelques heures en bateau et plusieurs cours de natation pour bébés. Et nous avons aussi fait un voyage en VR pour tester notre set-up de “camping”.
Donc pour ce voyage de voile à venir, ce que j’ai pu prévoir, je l’ai préparé. Sécurité, nourriture, soins et espace confortable pour dormir : tous les besoins de base, je les ai anticipés. Je savais qu’en ayant mon enfant bien nourri et reposé (comme sa mère), le reste allait suivre. Nous avions également découpé notre voyage par étapes en prévoyant une pause sur la terre ferme pour le ravitaillement de ses besoins alimentaires.
Avant de lever l’ancre, j’ai également fait une sortie de voile avec ma copine invitée Flora. Je voulais me remettre dans le bain, mais aussi lui donner quelques bases de voile. Je savais que j’allais avoir grand besoin d’un équipage fiable !
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Parlant d’équipage, on ne part pas avec n’importe qui en bateau. On ne choisit pas nécessairement les gens en fonction de leurs qualités. Ils doivent plutôt nous compléter et avoir des défauts qu’on juge tolérables.
Je m’explique. Flora et Seb ont une grande ouverture d’esprit et une grande empathie. Ce sont des gens doux, mais fonceurs. Ils sont parfois un peu lents. Mais cette lenteur nous inspire à s’ancrer davantage dans le moment présent et ça fait franchement du bien. Ils sont bons vivants, ils savent rigoler et n’ont pas peur du ridicule. Ils sont curieux et intéressés. Parfois maladroits, ils sont toujours partants pour essayer de nouvelles expériences, alors que je pourrais être insécure et effacée, si les rôles étaient inversés. Pour nous, c’était un match parfait pour tenter cette première aventure avec Maxime.
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Retour à la terre ferme comme mère aventureuse
La vérité, c’est que je peine à me souvenir, près d’un an plus tard, comme j’étais nerveuse à l’idée de réaliser cette aventure. D’autres choses ont pris le dessus dans ma mémoire. Le sourire de ma fille quand le vent caressait ses joues et que le bateau tanguait dans la houle par exemple. Ou encore sa moue satisfaite à se baigner nue dans l’eau chaude du mois d’août. Et ses gazouillis en explorant le bateau à 4 pattes résonnent encore dans ma tête.
Ce sont aussi les fous rires avec Flora et Seb. Comme celui à 1h du mat parce que le vent a changé de direction et qu’il faut larguer les amarres. Trouver une baie à l’abri à l’aveuglette n’a jamais été aussi fun. Leur teint verdâtre dans le mauvais temps et leur fierté d’avoir réussi à tout garder en dedans. Les manœuvres réussies du Sea-Wolf AhouuuuUUUU. La conversation chez des inconnus qui ont accepté de remplir nos bouteilles d’eau. L’éblouissement devant la force du vent dans les voiles faisant avancer le bateau, doucement, sans bruit. Tout ça.
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En conclusion, si tu es une future mère téméraire et que tu lis ces lignes, j’espère que mon texte t’encouragera à partager tes futures aventures avec ton enfant. L’arrivée de bébé changera assurément ta perception de la vie et chamboulera tes repères. En te permettant de te reconnecter avec tes passions, ton nouveau rôle de mère te sera plus facile à apprivoiser et tes souvenirs de voyages te seront encore plus précieux, puisqu’ils seront désormais toujours partagés.
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