Randonner sur la Soufrière est l’une des activités touristiques les plus répandues en Guadeloupe. Jérome est notre hôte Airbnb. Il nous explique qu’il l’affronte régulièrement lui aussi. En tant que préparateur physique, il connaît bien ses chemins qu’il a parcouru en long, en large et en travers. Il nous conseille de nous lever très tôt pour éviter la foule sur les chemins et profiter de cette randonnée. Il est 5h00 quand le réveil sonne, 8h00 quand nous remontons les lacets de bitumes qui mènent au départ des sentiers. À notre arrivée, le stationnement est tout juste plein, nous sommes la première voiture à nous stationner le long de la route.
Pendant une quinzaine de minutes, on remonte un chemin de pierres ponctués d’escaliers. Jusque là, la randonnée semble assez facile mais Jérôme nous a prévenu : l’erreur commune est de partir trop vite. Pourquoi ? Parce que ça monte comme ça (imaginez ma main bien inclinée vers le haut) tout le long. C’est à dire beaucoup et longtemps. Après être sortis de la forêt, on débouche sur une sorte de plateau bitumé duquel partent les vrais sentiers. C’est l’ancien parking principal, celui qu’on utilisait avant le tremblement de terre qui a frappé la Guadeloupe en 2004. On emprunte le Chemin des Dames, et là, ca commence à grimper fort.
Une ascension à l’aveugle
Les sentiers sont étroits, sinueux et très inclinés. Les arbustes se transforment en buisson puis en lichen, la végétation change au fur et à mesure qu’on avance. La météo ne nous permet d’observer qu’une toute petite et furtive percée vers l’océan en cours d’ascension. Autrement, on peut suivre à vue d’oeil la course des nuages qui nous entourent de très près. C’est poétique et mélancolique. En levant la tête, il nous est impossible d’imaginer le sommet. On croise encore les doigts pour que le temps change subitement arrivés là-haut pour profiter d’une vue dégagée. Mais la densité des nuages nous fait quand même sérieusement revoir notre optimisme à la baisse.
Notre ascension se poursuit. Doucement, la roche s’assombrie. Les nuages ne prennent plus la peine de nous éviter et se déposent sur tout ce qu’ils frôlent. Les pierres jusque là seulement humides deviennent très glissantes et les mains viennent prêter renfort aux pieds quand la randonnée se transforme en escalade. Il n’y a plus vraiment de chemin, chacun y va avec l’itinéraire qu’il considère le plus sûr. En quelques mètres à peine, l’humidité est partout et le froid s’est installé. On passe maintenant au travers des nuages. Les derniers mètres jusqu’au sommet de la Soufrière se font contre la force du vent, les yeux plissés. On est trempés et chahutés. Le pire, c’est le retour des cordons de capuches dans le visage.
Enfin, on arrive au sommet ! Sauf qu’il faut presque s’accrocher pour mettre un pied devant l’autre. Littéralement. On chancèle dans un chaos de vide, gris et bruyant. Imaginer le relief qui nous entoure est peine perdue. C’est à la fois incroyable et terrifiant. Le vent est déchainé et l’humidité nous transperce jusqu’à la moelle. On trouve refuge dans un abri de béton érigé ici comme pour nous offrir une pause bien méritée. C’est que ça fatigue de se faire bousculer et assourdir par le vent. Tous réunis à l’abri dans ce bunker, on fait le deuil de la vue dégagée espérée tout en s’étonnant encore du déchainement des éléments.
Une randonnée pas si exigeante
Il nous aura fallu environ une heure et demie pour atteindre le sommet et moins d’une heure pour redescendre. On aurait cru que ca nous prendrait plus de temps et surtout plus d’énergie. On a même finalement enchainé avec une petite randonnée jusqu’à la Deuxième Chute du Carbet (même pas peur). Une chose est certaine : on est bien bien contents de s’être levés si tôt. En arrivant à 8h00 du matin, on a évité le plus gros de la foule. Au retour, on a croise toutes sortes de touristes qu’on juge vraiment pas assez équipés pour affronter les conditions au sommet. Bébés sur le dos, sandales au pied et vestes en cuir sur le dos : la moitié au moins fera bientôt demi-tour, c’est certain.
C’est une jolie randonnée qui demande un petit peu de condition physique mais franchement, bien équipé et en marchant à son rythme, c’est à la portée de tout le monde. Maintenant, si quelqu’un (a) réussi à atteindre le sommet de la Soufrière un jour de temps dégagé, je veux bien savoir à quoi ça ressemble !